Vitesse maxi à moto : comment fait-on pour aller à fond ?

300, 400, 600 km/h… la vitesse maxi d’une moto a toujours été un fantasme pour les motards. Souvenez-vous de la légendaire Suzuki Hayabusa qui franchit la barre des 300 km/h ! Mais comment fait-on pour aller aussi vite ? Sachez que la puissance ne suffit pas !

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Il y a trois forces qui empêchent une moto d’aller vite. La première est évidente, c’est la gravité en pente. Plus la pente est raide et moins on peut rouler vite. La deuxième, c’est la résistance au roulement des pneus. Mais elle est relativement faible sur une moto qui ne possède que deux pneus assez fins. Enfin, le plus important, c’est la force de résistance de l’air, qu’on appelle aussi la traînée.

Il faut savoir que la puissance, c’est une force multipliée par une vitesse. La puissance nécessaire pour combattre la force de résistance de l’air évolue donc avec la vitesse au cube ! En clair, pour rouler 2 fois plus vite, il faut une puissance non pas 4 fois, mais 8 fois supérieure !

Les motos conçues pour les records de vitesse n’ont plus rien à voir avec des motos de course classiques. Outre leur forme très particulière, on y reviendra, elle compte toute sur une puissance énorme.

Par exemple jusqu’en 2010, la BUB Seven détenait le record du monde de vitesse avec un moteur V4 3,0 litre turbocompressé de 500 ch. De quoi atteindre les 565 km/h.

A : 500 ch et 565 km/h, c’est énorme. Et quelqu’un a battu le record depuis.

M : Oui, la Ack Attack en 2010. Avec deux moteurs de Hayabusa qui sortent 1000 ch, elle a atteint 605 km/h.

A : attend, tu me dis qu’avec le double de puissance, elle a fait seulement 50 km/h de mieux ?

M : Eh oui, parce que comme je te disais, la puissance évolue avec la vitesse au cube. Mais il n’y pas que la puissance qui compte pour rouler vite.

SURFACE FRONTALE

M : Autre truc important pour la vitesse. C’est la finesse.

A : C’est pourri comme rime.

M : C’est pourri mais c’est vrai.

Par rapport à une bagnole ou pire, un camion, une moto quelle qu’elle soit est beaucoup plus fine. Et ça tombe très bien puisque pour limiter la force de résistance de l’air, il faut avoir la plus petite surface frontale possible.

A : C’est quoi la surface frontale ?

M : Ben c’est évident non ? C’est la surface de la moto quand on la regarde de front.

A : et merde, je le savais en plus. Bon mais pourquoi cette surface frontale plutôt qu’une autre ? pourquoi pas la surface de côté, ou la surface de dessus ?

M : Tout simplement parce que quand tu roules, l’air va frapper ta moto par l’avant. Et en gros, l’obstacle que représente la moto correspond à sa surface frontale.

Vous avez déjà entendu parler de la Kawasaki H2R qui a atteint les 400 km/h avec Kenan Sofuoglu en 2016 sur le pont Ozman Gazi en Turquie. Et vous savez aussi probablement que la voiture de série la plus rapide du monde est la Bugatti Veyron, avec 400 km/h elle aussi. Même vitesse de pointe, mais seulement 330 ch environ pour la moto et 1000 ch pour la voiture. L’explication tient évidemment dans la surface frontale beaucoup plus importante de la Bugatti. Sans compter sa résistance au roulement supérieure avec ses quatre pneus énormes.

M : Ca c’est un exemple flagrant. Mais sur une même moto, il peut aussi y avoir de petits écarts de vitesse liés à une surface frontale plus ou moins grande, à cause d’un pilote plus ou moins grand.

Aux essais du pré Bol, le team Tecmas de la BMW n°9 nous a montré la télémétrie de deux de ses pilotes ayant une taille différente. Résultat, le plus grand qui arrive à moins bien se caser sur la moto, et qui implique donc une surface frontale plus importante, parvient systématiquement à une vitesse de pointe 2 km/h inférieure, alors que leur vitesse de sortie de courbe sont identiques.

Certaines motos possèdent même des échancrures dans le réservoir pour que le pilote s’efface le plus possible dans la moto.

A : Ouais je vois. C’est ça qu’on appelle l’aérodynamisme.

M : Non, la surface frontale c’est la surface frontale. Mais ce que t’appelles l’aérodynamisme, c’est important aussi. C’est le troisième paramètre pour rouler vite.

L’AERODYNAMISME d’une moto

En regardant deux motos de face, elles peuvent avoir l’air identiques et posséder la même surface frontale. Mais en les regardant de profil, elles peuvent être totalement différentes.

A : t’es gentil, mais ta moto de gauche, ça n’existe pas.

M : Evidemment que ça n’existe pas, c’est moi qui l’ai dessiné.

A : Ben t’es nul en design

M : Si personne ne dessine des motos comme ça…

A : c’est parce que c’est moche.

M : Oui. Mais c’est aussi et surtout parce qu’elle serait vraiment naze d’un point de vue aérodynamique, et qu’elle généraient bêtement beaucoup de résistance.

La faculté d’une moto à bien fendre l’air est caractérisée par le Cx, ou coefficient de pénétration dans l’air. Il dépend en grande partie de la forme de la moto, ce qui explique la forme de suppositoire des motos de record de vitesse dont on parlait plus tôt.

 A : C’est pour ça que toutes les sportives ont des carénages et des bulles.

M : Exactement, contrairement à un roadster, l’habillage profilé d’une sportive permet à l’air de s’écouler plus facilement autour de la moto, et donc de créer moins de résistance. Et puis évidemment, la bulle sert à abriter le pilote pour ne pas qu’il s’épuise.

Dans une moindre mesure, le Cx dépend aussi de petits détails comme les jonctions de flancs de carénage qui peuvent créer des turbulences et augmenter la résistance de l’air.

C’est pour ça que sur les motos de record du monde de vitesse, mais aussi sur les avions, les carénages sont de véritables peaux les plus lisses possible.

A : Ok, mais t’as oublié un truc dans ta formule… Le poids évidemment.

M : alors ça c’est pas le poids, c’est la densité de l’air. Et en effet, moins l’air est dense moins sa résistance est importante. D’un autre côté, moins l’air est dense et moins un moteur sera capable de fournir de la puissance. Et puis de toute façon lors d’une course, la densité de l’air, tu ne la choisis pas.

A : Ok mais le poids alors, ça compte, tout le monde le sait.

M : Et ben non mec, si on parle de vitesse pure, le poids, ça ne compte pas.

Avec une moto très légère, on accélérera plus fort, et on atteindra plus rapidement la vitesse maxi. Mais la vitesse maxi n’augmentera pas. La Ack Attack recordman de vitesse avec 605 km/h dépasse par exemple les 700 kg. Ce poids ne la gêne pas puisqu’elle a tout l’espace et le temps nécessaire pour atteindre sa vitesse maxi.

A : Bon, mais alors c’est tout y’a pas d’autre astuce pour aller plus vite ?

M : Si, y’en a une gratuite très efficace mais qui n’est pas facile à gérer.

A : Et ben vas-y balance

M : C’est le vent. Si t’as du vent dans le dos, ça élimine une partie de la vitesse de l’air qui s’écrase à l’avant de ta moto et qui la freine. Résultat, tu peux aller plus vite.

Au Castellet, la ligne droite du Mistral porte bien son nom puisque le vent peut souffler fort dans le dos, ou pas. Ça force les équipes à anticiper ces changements et adopter les bons réglages pour toute la course.

M : Mais y’a aussi l’inverse qui peut se produire.

A : genre ?

M : Avoir moins de vent dans la gueule alors qu’on va à la même vitesse. Mais cette fois pas à cause du vent naturel, mais de la protection qu’offre d’autres motos placées devant.

Ce phénomène s’appelle l’aspiration. Quand une moto est située devant nous, elle créé dans son sillage une zone de dépression qui limite la pression de l’air et donc la force de freinage aérodynamique qui s’applique à notre moto. En clair, la moto située devant fait tout le boulot et nous abrite un peu de l’air, ce qui nous permet d’aller plus vite.

M : l’aspiration est une technique très utilisée dans beaucoup de sports mécaniques pour dépasser plus facilement, et même en cyclisme quand les coureurs roulent en peloton pour économiser leur force.

A : Ok, j’ai capté. C’est assez simple en fait, pour rouler vite il faut une moto puissante, fine et bien profilée. Et on peut éventuellement profiter du vent dans le dos ou d’une moto située devant.

M : C’est exactement ça ! Tu progresses hein.

A : Ce que je capte pas finalement, c’est qu’avec une recette aussi simple, les motos du Bol d’Or n’aillent pas plus vite vu la longueur de la ligne droite.

M : tu sais quoi, on va aller leur demander.

Entre la ligne droite du Mistral et celle des stands, les motos restent pleine charge 30 secondes par tours. Pour une équipe de pointe qui peut couvrir 680 tours en 24 heures, ça représente plus de 5h30 à toc. C’est éprouvant pour la mécanique, et ça consomme un max !

A : Par contre, il pourrait faire des efforts au niveau aérodynamique avec des carénages superprofilés non ?

M : Encore une fois, il faut leur demander.

A : Ok ils ont pas le droit. Mais s’il pouvait il ferait des suppositoires hein ?

M : Ben non, c’est pas le cas.

L’aérodynamisme n’est pas une nouveauté. Dans les années 50, les motos de grand-prix ont utilisé des carénages très profilés. C’était très efficace pour aller vite, mais ça rendait aussi les motos très instables, et donc au final pas plus rapide sur un circuit qui comporte des virages.

M : Une moto de course, ça ne doit pas seulement rouler vite. Ça doit freiner et accélérer fort, et ça doit surtout prendre des courbes le plus vite possible. Donc faire une moto super profilée mais instable, ça ne sert à rien. Faire une moto surpuissante de 700 kg, ça ne sert à rien non plus.

A : Et aujourd’hui du coup, comment sont les motos de grand prix ?

Aujourd’hui les MotoGP démontrent que la vitesse maxi ne fait pas tout. Elles en sacrifient volontairement une partie en utilisant des ailerons. Ces ailerons servent à créer de l’appui, mais en faisant ça, ils augmentent la traînée et limitent la vitesse maxi.

A : Ça sert à quoi cet appui ?

M : Ça sert juste à plaquer un peu l’avant de la moto au sol. Pour limiter les wheelings à l’accélération et pour stabiliser le train avant à haute vitesse.

A : Donc bientôt, on verra surement des motos avec des ailerons énormes dans tous les sens comme une Formule 1 ?

M : Non ça ne risque pas.

A : A cause de la réglementation encore ?

M : Déjà, mais aussi parce que ça ne servirait à rien.

Une Formule 1 possède 4 roues, et quand elle prend un virage, l’appui généré par les ailerons sert à plaquer la voiture au sol, ce qui augmente le grip des pneus. Sur une Formule 1 qui roule à 300 km/h, cet appui aérodynamique peut dépasser les 3 tonnes !

A : ben c’est ce que je dis, on peut faire pareil sur une moto.

M : Non, parce que t’as dû t’en rendre compte, une moto n’a que deux roues.

Et quand elle prend un virage, une moto prend de l’angle. Si elle générait beaucoup d’appui aérodynamique, une partie servirait effectivement à plaquer les pneus au sol et augmenter leur grip. Mais une autre partie pousserait la moto à l’extérieur du virage, ce qui consommerait le grip créé pour maintenir la moto sur sa trajectoire. Tout cela en créant beaucoup de traînée qui réduirait inutilement la vitesse maxi.

 

 

 

 

 

 

 

 



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7 commentaires sur cet article
  1. et la démultiplication !!!! Mdr….

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  2. Samuel Wattez

    Salut!
    C’est quand même la cbr1100xx qui à franchit en première la barre des 300kmh pour une moto de série…et non pas l’hayabusa…

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  3. Le poids n’influe pas sur la vitesse maxi mais seulement sur l’accélération ?? La bonne blague

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  4. c’est quoi la blague ?
    explique nous stp

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  5. En fait le poids ça compte aussi, pour l’adhérence nécessaire quand à très haute vitesse on utilise tellement de puissance que le risque est d’excéder ce que les quelques cm2 de pneus sont capables de passer sans patiner

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  6. Le XX frôlait mais ne passait pas la barre mythique des 300…

    Vmax 296 chrono pour le XX.

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  7. 300 km/h en première, imagine s’il avait passé la seconde… ;))

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