Essai Vidéo KTM 1290 Super Adventure S et les secrets des suspensions à moto

Essai de la KTM 1290 Super Adventure S, explication du fonctionnement d’un amortisseur EMC et rallye en duo avec un passager aveugle, tels sont les ingrédients de cette vidéo bien déjantée. A travers l’exploit de Julien Toniutti et de François Speck au guidon de leur Honda Africa Twin de course, on a aussi souhaité éclairer votre lanterne sur l’importance des suspensions à moto. Moteur !!!

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RETRANSCRIPTION DE LA VIDEO

– « Les suspensions, c’est un peu comme l’huile et les pneus. On sait que c’est hyper important sur notre moto, mais au final, on ne sait jamais vraiment comment ça fonctionne ». « Du coup, on va profiter de la présence de François, le patron de la société EMC, qui va tout nous expliquer sur le fonctionnement des suspensions ».

– « Et moi, je vais faire le rallye des Volcans sur mon Africa Twin ».

– « mais François, t’es pas aveugle ? »

– « Si, et alors ? »

Ne partez pas en courant, on ne se fout pas de vôtre gueule.

François va vraiment participer au Rallye des Volcans 25 ans après avoir perdu la vue. Mais en tant que passager évidemment.

En plus de vous compter cette belle histoire, on va aussi tenter de réellement éclairer votre lanterne sur le rôle primordiale d’un amortisseur et d’une fourche. Et sur l’importance de bien régler tout ça.

Une chose plutôt facile sur certaines motos modernes, puisque ça se fait tout seul !

L’essai de la KTM 1290 Adventure S

« Moi je vous le dis les gars, vive le progrès. Car même si détente, compression et précharge sont du charabia pour vous. Hé ben aujourd’hui, tu peux quand même régler les suspensions de ta moto. Et avec un seul doigt en prime ».

« Et oui, sur certaines motos on trouve des suspensions pilotées électroniquement. Ce qui est le cas sur la toute nouvelle KTM 1290 ADV S. Ce qui tombe bien, puisqu’on ne l’avait jamais essayé celle-là ! »

En effet, plusieurs machines haut de gamme proposent depuis quelques années des suspensions réglables électroniquement. Dont la Super Adventure S.

Nouveauté 2017, la belle autrichienne débarque avec un impressionnant package technologique. Démarrage sans clé, régulateur de vitesse, contrôle de motricité, 4 cartographies moteur, feux à LED directionnels, ABS cornering, shifter up and down, bulle réglable… et j’en passe.

Mais comme souvent chez KTM, il y a aussi dans les entrailles de cette Adventure S un twin plein de caractère. Ici, le bloc LC8 de 1301 cm3 développe 160 chevaux pour un couple énorme de 14 mkg dès 6 700 tours.

On enserre tout ça dans un cadre treillis tubulaire en acier. On ajoute des suspensions WP de qualité. On travaille sur le poids pour que la moto dépasse à peine les 240 kg tous pleins faits. Et on arrive à un gros trails GT aussi efficace en mode voyage qu’en conduite sportive. Une vraie prouesse !

« Hé ben ce petit réglage de suspensions c’est quand même cool pour les mecs feignants. Tu veux rouler vite tu mets sport, tu veux du confort, tu mets le mode confort ».

« Enfin, dernier truc sympa, quand tu veux rouler à deux, avec un pote par exemple, pas besoin de clé à ergot pour régler la précharge. T’as juste à appuyer sur le bouton.

Un petit tour dans les réglages de charge et on passe en position duo + bagages. La Super Adventure va alors automatiquement mettre de la précharge sur l’amortisseur. Ceci ayant pour effet de modifier la géométrie de la moto, notamment en réhaussant légèrement l’arrière.

Une fois en selle, des capteurs envoient des infos à l’unité de contrôle. Cette dernière va modifier l’hydraulique des suspensions en temps réel en fonction de l’état de la route et du rythme de conduite du pilote.  Des électrovannes installées sur la fourche et l’amortisseur s’ouvrant et se fermant pour limiter ou faciliter le passage d’huile dans les clapets.

On se retrouve alors avec une moto dont le réglage des suspensions est optimisé en permanence. Un bonheur quand on roule en duo. D’autant que ce système fonctionne aussi comme un « anti-plongée », et atténue fortement les mouvements de cheval à bascule sur les gros freinages ou les fortes accélérations.

De là à dire que la Super Adventure S prend tellement soin de son pilote qu’on peut y aller les yeux fermés, il n’y a qu’un pas.

Rouler à moto en aveugle

 

Alors c’était comment

Ça a un peu touché des fois non ?

Si tu veux vraiment savoir ce que François va vivre, j’ai une technique

 

Tiens, mets ça sur ta visière.

Elle l’air vraiment con ta technique

« On en a fait des trucs cons, mais alors celui-là, je pense qu’il va faire podium ».

« C’est quand même pas très intelligent tout ça, mais ça va te donner de ce que François va vivre pendant tout un WE ».

« Bah niquel, je ne vois rien ! »

« T’es sûr que tu ne vois rien ? Combien j’ai de doigts ? »

« Je sais pas. Deux ? »

« Bon là franchement, je préfère être à ma place plutôt qu’à la tienne. Ça va pas être marrant pour toi. Et tu fais pas des blagues, genre ça va tourner à… je sais plus »

« Putain je ne vois vraiment rien »

 

Bon là, je crois que les images parlent d’elles même.

Juste pour infos, une fois passé le sentiment de claustrophobie qui s’empare de toi quand se ferme la visière opaque, il faut ensuite gérer ce tour de grand 8 dans le noir.

Même en annonçant les virages à l’avance, difficile de ne pas être surpris. Du coup, on a tendance à s’accrocher en permanence aux poignées passager comme une moule à son rocher. Et ça, ça fait super mal aux bras.

Sans parler de la peur, de la confiance toute relative dans ton pote qui pilote, du son pas rassurant de la béquille qui frotte le bitume et d’un mal de mer qui pointe assez vite le bout de son nez.

 

32.17

– Pouha c’était bon non ? Ça va ?

– Ça fait peur et c’était épuisant. Et effectivement, au bout d’un moment ça fout la gerbe.

– Je l’entendais hurler dans le casque. Franchement je l’aurais pas fait. Perso, je ne monterais pas derrière moi, je te l’ai déjà dit.

– Ouais, ouais. »

Comment fonctionne un amortisseur de moto ?

Autant dire qu’en étant passager de Julien durant tout le rallye des Volcans, François ne s’apprête pas forcément à vivre une partie de plaisir.

Alors avant qu’il ne soit à ramasser à la petite cuillère après 500 kilomètres de liaisons et 8 spéciales chronométrées, on a décidé de faire un crochet par la société EMC pour causer ressort, clapets, usinage et précharge.

Bah ouais, toutes les suspensions ne se règlent pas électroniquement. Pour la majorité des motos, il faut le faire soit même avec ses petites mains.

20 ans d’expérience, 4000 unités à l’année, 16 salariés dont 4 dans l’atelier d’usinage car la société produits 95 % des composants de ses amortisseurs, je pense qu’on est au bon endroit pour choper quelques conseils.

Est-ce que tu peux nous expliquer le principe de base du fonctionnement d’un amortisseur ?

Alors déjà on ne devrait pas parler d’amortisseur mais de combiné ressort et amortisseur. L’amortisseur est là pour contrôler une vitesse de déplacement. En effet, le ressort qui est là pour suspendre le poids du véhicule avec le poids embarqué, et contrôler une limite de suspension qu’on appelle étalonnage, on va être obligé de contrôler la détente de la compression par un frein hydraulique. Pour ça, on va faire circuler de l’huile à travers des gicleurs, des empilements de clapets et des systèmes de limiteur de pression avec des soupapes ou des petits ressorts pour empêcher l’amortisseur de s’ouvrir trop vite après une compression ou éventuellement de se fermer trop rapidement suite à un choc »

Sur les motos, il existe plusieurs types d’amortisseurs. Les plus courants sont le modèle basique à émulsion, celui avec piston flottant ou beaucoup plus performant, le modèle avec réservoir externe.

La qualité des matériaux ainsi que la précision des tolérances d’usinage feront la différence entre un modèle de série et un élément de remplacement.

Sans oublier la dureté du ressort, car il y a forcément une différence entre un motard de 70 kilos et un autre de 120. C’est pourquoi EMC assemble ses amortisseurs à la carte, pour qu’ils correspondent parfaitement à votre cahier des charges.

« Il y a des idées préconçues dans le domaine des suspensions, notamment celle de dire que si je veux rouler vite, je vais durcir ma suspension. Est-ce que c’est une grosse connerie ?

– Oui c’est une grosse connerie, parce que durcir, qu’est-ce que ça veut dire ? (… 6.32). Un ressort ne changera jamais de dureté. Un ressort est complétement linéaire. (…) Quand on comprime un ressort on a l’impression d’avoir durcit parce qu’on talonne moins. (… 7.44) Quelque-soit la charge un ressort gardera la même amplitude. Par exemple, vous vous asseyez sur la moto, elle descend de 20 mm. Si vous changez la précompression du ressort, vous vous asseyez sur la moto et elle descendra toujours de 20 mm.

– Mais d’un point plus haut.

– Elle partira tout simplement d’un point plus haut.

– J’ai tout compris, pour une fois.

– C’est simple, fallait juste l’expliquer ».

 

Je voudrais démontrer que le handicap, ça n’empêche pas de faire encore beaucoup de choses dans la vie, de rebondir, c’est mon cas. Et je voudrais que toutes les personnes qui sont aux côtés de personnes à qui il arrive un handicap (…) comprennent que ce n’est pas fini. Et qu’il y a encore pleins de choses et de belles choses à faire. (14.29)

Le RALLYE des volcans en duo

On est bien d’accord avec François sur ce coup-là.

Après perso, je vois 10 000 autres belles choses à faire dans la vie que de m’infuser les petites auvergnates derrière un fou furieux. Mais bon, on se dit que si lui ne voit pas forcément le danger, le staff du rallye des Volcans sera plus clairvoyant.

Tu parles, notre équipage a été accueilli les bras ouverts !

Bon en même temps, François avait réussi à dénicher un certificat médical disant qu’il était apte. A partir de là, il était dans les clous côté règlement.

« Je sais pas comment tu trouves des mecs inconscients ?

– J’ai demandé à tout le monde mais personne ne voulait monter derrière moi. Le seul qui a voulu c’était un aveugle, j’y peux rien ».

Il avait même amené son permis de conduire, au cas où…

« Ha mais t’as un permis en plus ! …. Et là y’a du lourd quand même… C’est lui qui va conduire ! C’est ça la surprise. Celle-là elle est collector » 46.03

Tu fais la nuit peut être ?

Obligé, tu vois pas l’avantage que j’ai sur les autres.

– Lui il fait que la nuit.

– Hé, 25 ans d’entrainement dans le noir ».

Une fois la paperasse remplie, il restait encore un espoir pour stopper cette idée folle : le contrôle technique qui vérifie la conformité de la moto et de l’équipement des pilotes !

Et bien rien du tout, les commissaires ont été aussi cools que les demoiselles de l’administratif !

« Et la canne elle passe le contrôle technique ?

– Mets nous une étiquette s’il te plait ?

– Je n’aimerai pas qu’on soit disqualifié parce que j’ai une canne pas homologuée.

– Le même numéro que la moto.

– Et les lunettes elles sont homologuées aussi ?

– J’y mets aussi une étiquette si tu veux.

– Mets moi une étiquette c’est trop marrant là ».

Décidément, y’a personne de raisonnable dans la grande famille des rallyes routiers !

Ici, débutants et tops pilotes se côtoient dans la bonne humeur. Et en terme de motos, c’est un grand écart qui va de la trapanelle bricolée (45.10) à la machine hyper affutée.

D’ailleurs, l’Africa Twin de course de l’équipage 104 pencherait plutôt vers la deuxième catégorie.

La Honda Africa Twin de course

Maitre-cylindre et étrier Beringer

Durite de frein en métal tressé

Protection SW Motech en cas d’optimisme

Un déco racing à base de stickers de compet’

Et bien sûr des suspensions qui vont bien !

Bon François, elle est sympa ta moto. Tu peux nous expliquer ce que tu as fait niveau suspensions ?

« On s’est surtout occupé de l’arrière puisqu’on est en duo et il fallait une suspension adaptée au duo. Sur une épreuve de rallye il faut une moto qui tienne la route mais il faut aussi qu’elle soit maniable. Il fallait adapter la suspension arrière pour que la moto garde une bonne assiette afin qu’on ait une bonne maniabilité. Il ne faut pas que Julien Force sur le guidon, il faut bien qu’il conduise une Africa Twin et pas un chopper Harley Davidson ». 18.40

« Dernière question avant la course, tu te sens comment ?

Je me sens à l’aise, j’ai l’impression de revenir 25 ans en arrière (…) mais en mieux car aujourd’hui j’ai toute une équipe derrière moi. J’ai l’impression d’être un champion du monde, j’ai pas le moindre trac, peut-être un peu inquiet pour savoir si je vais tenir physiquement, y’a quand même 500 km à tenir, et Julien n’est pas connu pour caresser la poignée de gaz ». 25.37

 

C’est certain que notre ami Julien Toniutti n’a rien du poireau de base. 4 titres de champion de France des rallyes, trois podium ou Moto Tour, 2 participations au TT, on a connu pire en tant que taxi moto.

Ou pas !

Un premier pointage au départ, et c’est parti !

Pour ceux qui ne connaissent pas trop le principe du rallye, les concurrents doivent suivre un road book pour réaliser un parcours routier dans un temps imparti (54.45), tout en respectant le code de la route.

En revanche, quand ils arrivent au pied des spéciales chronométrée, là c’est à fond !

Un truc un peu effrayant à vivre en tant que passager. Même quand on ne voit pas les ravins, les arbres et les rochers qui jalonnent les bas-côtés !

Mais c’est aussi une discipline franchement excitante !

« – ça va François ?

– C’est que du bonheur ! Putain on l’a refait.

– Ça allait mieux là ?

– Ha putain oui, j’ai préféré ! …. Ha géant ! Tu en as mis un peu plus c’était bien.

– Ouais dans la première je voulais tester et là ça allait mieux.

– Tu peux y aller mon grand ». 57.24

Les épreuves de rallye se divisent en deux. Une boucle de jour et une autre de nuit.

Au terme de la partie jour, après quatre spéciales, l’équipage 104 pointe dans le top 20 mettant un grand nombre de pilotes solo derrière eux. Pas mal non ?

« Alors les gars, petit bilan de cette journée ?

François : Je crois que j’ai vraiment pris le bon pilote. Y’a pas de problème. J’ai pas la moindre trouille, je prends un plaisir terrible, c’est génial, c’est que du bonheur. (…)

Julien : 1.03.40 – Moi je voulais vraiment montrer que malgré le handicape on peut faire de belle chose. (… 1.03.57) On a montré que c’était possible de mettre quelqu’un qui est aveugle en passager en compétition ça peut se faire. C’était quand même une grosse responsabilité pour moi, je n’avais pas le droit à l’erreur. Ça s’est très bien passé pour l’instant et on va essayer de faire aussi bien la nuit.

– Je ne te connais pas depuis longtemps mais j’ai un peu l’impression que le résultat t’importe quand même.

– Un petit peu, j’ai encore des restes de compétitions. J’aime bien quand ça fait du résultat ».

Durant la boucle de nuit, nos deux petits gars vont encore hausser le rythme.

Et même carrément se lâcher dans la dernière spéciale que Julien et François terminent en 9ème position.

Une véritable prouesse sportive, une aventure humaine pleine d’émotion et un signe fort que le sport moto peut être accessible à tous.

Alors un grand bravo à tous ceux qui ont permis que cette histoire se réalise !

 



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2 commentaires sur cet article
  1. Bravo a tout les deux , courage et humour font bon ménage

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  2. Tonton Tata

    Simplement EXTRA !

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