Débridage : « Le rétrofit est imminent… »

La rétroactivité du débridage n’est toujours pas signée, malgré un texte complet et « prêt à être signé ». Mais qu’est-ce qui coince ?

« Je m’attendais à cette question« , sourit Thierry Archambault, sitôt venu le tour des journalistes de poser leurs questions, après l’exposé des chiffres du marché lors de la traditionnelle conférence de presse de la Chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle. Le président de la CSIAM avait anticipé la question sur l’avancée du rétrofit, c’est-à-dire la rétroactivité du débridage, que professionnels et acheteurs de motos attendent maintenant depuis plusieurs mois : « J’ai saisi le conseiller du Premier Ministre lundi matin (11 janvier ndlr), en voyant que cela ne sortait pas. J’ai eu un accueil téléphonique de qualité. Il était convenu qu’on se rappelle en fin de journée, le rappel a bien eu lieu. Il a fait le tour des ministères concernés, le Ministère des Transports et le Ministère de l’Intérieur, puis j’ai reçu un mail, dans lequel il m’a été écrit que la publication de cet arrêté était imminente. Cela ne nous donne certes pas de date, mais il n’y a pas lieu de penser qu’on irait vers un coup de théâtre de dernière minute. »

Eric de Seynes et Thierry Archambault, respectivement responsable de la branche moto et président délégué de la CSIAM.

Eric de Seynes et Thierry Archambault, respectivement président de la branche moto et président délégué de la CSIAM.

Le patron de Triumph France, Jean-Luc Mars, intervient alors : « Dans les entreprises, imminent signifie trois jours, dans l’administration française cela veut dire six mois. » Rires parmi les représentants des constructeurs et les journalistes, mais l’ambiance est tout de même pesante en raison des enjeux de cette arlésienne qu’est le débridage rétroactif, qui concerne non seulement les modèles d’occasions (dotés de l’ABS, comme le précise le document qui fait de l’antiblocage de roues une condition donnant accès au débridage), mais aussi les modèles neufs toujours aux normes Euro3, qui restent à écouler dans les concessions.

[lire_la_suite]Rétrofit : le débridage rétroactif autorisé uniquement pour les motos avec ABS ?[/lire_la_suite]

Thierry Archambault continue : « Je ne pense pas que cela prendra six mois, ce ne serait pas sérieux. J’ai mis en copie de ce mail la DSCR et la DGEC, qui sont les deux administrations qui pilotent ce projet. J’ai eu une réaction rapide du délégué interministériel, qui m’a dit qu’il avait lui-même anticipé cette demande la semaine précédente en saisissant le ministère des transports, et il m’a confirmé qu’en toute logique, le texte devait sortir très très vite. On espère que ça devrait suffire, parce que maintenant, sur ce dossier là, j’ai conscience que point presse après point presse, réunion après réunion entre constructeurs, je réponds toujours la même chose, qui est : « ça arrive ». On a le texte de l’arrêté dans sa version définitive, je l’ai vu, ce qui me laisse à penser que cela va effectivement sortir. Pour l’instant je n’ai aucun signal négatif à envoyer laissant penser que cela ne sortirait pas. Mais j’ai parfaitement conscience que cet attentisme devient très dur à supporter pour les réseaux ayant des machines en stock qu’ils ne peuvent vendre, et cela devient aussi extrêmement déceptif et frustrant pour les clients. »

L'ABS, indispensable pour être éligible au débridée... mais pas tout de suite.

L’ABS, indispensable pour être éligible au débridage… mais pas tout de suite.

La différence entre décret (contraignant car nécessitant un passage au Conseil d’Etat) et arrêté (qui peut être signé dans l’heure par le gouvernement) a ensuite occupé les débats, pour tenter d’avoir une visibilité sur le moment effectif où les cartes grises des machines mises en conformité pourront être émises par les préfectures. Thierry Archambault se veut une nouvelle fois rassurant : « Le document qui m’a été transmis est un arrêté, qui donnera la possibilité réglementaire de passer le texte. Ensuite il y a les démarches administratives, afin que les constructeurs sachent quels documents remettre à l’usager pour faire débrider rétroactivement sa moto. Pour cela, une réunion est planifiée le 27 janvier au CNRV (centre national de réception des véhicules). Cela aussi est un signal très positif : le CNRV n’organiserait pas cette réunion si on devait avoir un revirement de dernière minute. »

Pour Nathanaël Gagnaire, « le conflit d’actualité entre la circulation interfiles et la fin des 100 chevaux pose un vrai problème politique ». Le délégué général de la FFMC voit dans cette prise en main par Matignon au détriment des ministères concernés, une volonté de la part des pouvoirs publics de « clairement reculer l’échéance avec les conséquences que cela a vis-à-vis des usagers et de la profession toute entière. Plus cela va traîner, plus ils (les pouvoirs publics NDLR) vont s’épargner des remontées de lance-flammes de la part de certaines personnes qui considèrent qu’on donne tout à la moto, comme cela a été le cas pour la circulation interfiles. Certaines personnes ont considéré de manière violente que cela était du laxisme au bénéfice des deux-roues motorisés.  »

[lire_la_suite]La circulation interfiles officiellement expérimentée dans 11 départements[/lire_la_suite]

La circulation interfiles désormais autorisée à titre de test dans quatre régions a crispé les pouvoirs publics.

La circulation interfiles désormais autorisée à titre de test dans quatre régions a crispé les pouvoirs publics.

Dernier point qui n’est pas sans lien avec ce satané rétrofit qui se fait attendre, la modification des conditions d’obtention du permis A, avec l’élargissement du permis A2 aux aux plus de 24 ans, avec les contraintes que cela implique : deux ans de conduite à 47,5 chevaux maxi et 7 heures de conduite. La mesure, annoncée début octobre par le Ministre de l’Intérieur en réaction aux chiffres de l’accidentologie, « a ému les constructeurs et la filière » d’après Thierry Archambault. Le sentiment d’une mesure compensatoire supplémentaire avant même de bénéficier du rétrofit a fait bondir les constructeurs, qui n’en contestent par ailleurs pas forcément le bien-fondé. Eric de Seynes, le président de la branche moto de la CSIAM, a vivement réagi auprès du délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, dans les semaines suivant l’annonce : « A un moment, on ne peut pas considérer qu’une mesure comme la sortie des 100 chevaux, sur laquelle nous travaillons depuis deux ans, soit maintenant rattrapée voire doublée par une mesure qui sort d’un chapeau il y a un mois et demi et qui d’un coup devient une mesure d’urgence. Nous avons été clairs là-dessus et nous avons été entendus. Il faut que l’on puisse laisser aux constructeurs la possibilité de pouvoir adapter leur offre à une telle évolution. Afin que demain, on puisse travailler sur des modèles particulièrement destinés à une clientèle de motards qui se mettent à passer le permis à plus de 40 ans, et qu’on arrive à trouver une cylindrée, une motorisation qui fasse qu’une machine soit tout autant désirable avec 35 kW. Et cela cela nécessite du temps. Mais il est clair qu’on ne sera pas entendu sur la durée d’un product planning, c’est-à-dire de trois ans… »

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Le délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe. Il se dit sensible aux arguments de la filière moto.

Le délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe. Il se dit sensible aux arguments de la filière moto (photo P. Orluc).

Mise à jour le 13 Avril 2016 :
[lire_la_suite]Le décret du rétrofit enfin signé, la fin des 100 chevaux est enfin là ![/lire_la_suite]



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9 commentaires sur cet article
  1. fredingue38

    Pour nous imposer un gilet « alacon », ils sont plus rapide…

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  2. Quelle hypocrisie totale !!
    Depuis des années les motos ne sont plus débridées et tout le monde roule entre les files de voitures !
    Allô la terre ! est ce qu’un ministre sait de quoi il parle, a t il mis un jour le cul sur une moto ?
    mais heureusement le slogan « tous responsable » est bien là, il vont y arriver !!

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  3. Rhhha, désolé je voulais dire : « Depuis des années les motos ne sont plus bridées et tout le monde roule entre les files de voitures ! » 🙂

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  4. Tout est dit. ! Comme nos ministres ont les chochottes devant les hyènes de la répression routiere, la SR est infoutue de sortir autre chose que des mesures politiciennes. Du pur affichage, sans aucune efficacité. Navigation à vue. Aucun courage.

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  5. La moto
    De passer a plus de 100 chevaux
    Cela me semble normal
    C’est le pilote qui doit s’avoir condure

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  6. Alacon, une marque partenaire de notre gouvernement, plus rien me surprend tout le revolte !!!

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  7. Guillaume

    « On y travaille depuis des années »
    Mais bien sûr…
    Pas vraiment productifs ces rigolos…
    Heureusement qu’ils ne sont pas à leur compte…
    Retro-fit avec UNIQUEMENT l’ABS
    C’est une blague ?????
    Encore une exception franco-française.
    Les motos des autres pays étaient-elles bridées si elles n’avaient pas l’ABS ???
    Bien sûr que non.
    Que se passe-t-il si j’achète une moto en Europe non bridée (normal, ça n’existait pas) et dépourvue d’ABS ????
    Et personne ne dit rien (FFMC….) ????
    Que vont devenir les motos bridées et sans ABS ???
    Qu’elles soient en possession d’un particulier ou en vente dans un garage ???
    Se rendent-ils compte des répercussions économiques ?

    Quelle bande d’abrutis (État, FFMC, responsables constructeurs…) !!!!

    On n’est pas sorti avec ces guignols…

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  8. Bon de commande signé fin janvier 2016, aujourd’hui des pseudos promesses sur la date de publication du décrêt, donc impossibilité d’avoir une carte grise. Les concessionnaires ne laisseront jamais les machines aux clients, sauf à retenir 106 ch, peut on s’organiser pour simuler un « hold up » et rouler sans carte grise ni assurance en le criant bien fort, ou autre alternative, décommandons les motos. Adieu TVA, taxes de cartes grises et consommables (pneus Michelin entre autres)… et accesoirement amendes pour excès de vitesse. Qui ne s’est pas fait gauler à 1 km heure de plus que la vitesse légale à part les élus sauf en cas de pub! tout cela avec les gants bien entendu!

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  9. Bien gentil tout ça, mais nous sommes maintenant fin Mars…
    N’importe qui en entreprise se serait fait virer avec perte et fracas pour une telle désinvolture, mais l’administration étant ce qu’elle est…
    Rien de neuf, Soeur Anne???

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