Les motos, indispensables mais indésirables sur le Tour de France

L’image a fait le « tour de France » : l’Australien Richie Porte se mange littéralement la caméra installée à l’arrière d’une moto. Derrière lui, un autre coureur et puis le porteur du maillot jaune, Christopher Froome, qui chute à son tour et continue en trottinant, vélo HS (apparemment lui aussi écrasé par une autre moto…). Ce chaos a été provoqué par une organisation dépassée (qui a d’ailleurs reclassé Froome), mais il n’en fallait pas plus pour relancer une polémique qui enfle sur la place des motos dans le Tour de France…

Des raccourcis faciles

« C’était fou, c’était dingue, c’était injuste, c’était tout ce que vous voulez. Alors que Christopher Froome avait fait la différence sur ses poursuivants dans le Mont Ventoux avec Richie Porte et Bauke Mollema, une moto a tout changé. Enfin pour être précis, le public incroyablement nombreux sur les routes du géant de Provence. Bloquée par la foule, la moto de dépannage s’arrête d’un coup sec et oblige Richie Porte à entrer en collision avec elle. Mollema et Froome chutent aussi. » L’article sur le site de 20 Minutes explique bien les causes de l’incident qui a bouleversé l’étape du Tour de France au mont Ventoux, ce 14 juillet, mais cela n’empêche pas le site de titrer : « Froome chute à cause d’une moto et termine à pied:  fou, fou, fou ! » Le raccourci est trompeur, mais peu importe, les motos ont bon dos en ce moment sur le Tour, alors qu’elles sont un rouage indispensable au suivi en direct de la plus célèbre épreuve cycliste au monde. Entre autres fonctions, puisque les motos, dont une moitié de GTR 1400 fournies par Kawasaki, partenaire de l’organisation depuis 1977, remplissent de nombreuses tâches :

Trop de fonctions indispensables ?

• 6 motos directs, au nombre de 6, qui se faufilent au coeur de l’action pour permettre à des cadreurs de retransmettre en permanence et en direct des images suivies par des millions de téléspectateurs chaque jour. Ces six motos sont suivies par six autres transportant des envoyés spéciaux pour les commentaires.
• 16 motos photographes, au nombre de 16, qui tentent également de se frayer un chemin.
• 1 moto médicale, qui transporte un médecin, qui peut ainsi intervenir rapidement, en plus des ambulances devancent le peloton et des deux décapotables qui peuvent soigner un coureur sans qu’il ne s’arrête.
• 3 motos pour les régulateurs de course, qui font partie de l’organisation (ASO) et dont la fonction est donc de rendre le plus fluide possible la caravane constituée des divers véhicules qui peuvent devancer ou suivre les cyclistes. Ils sont reconnaissables à leur tenue rouge (casque et blouson) et connaissent parfaitement le tracé de chaque étape.
• 2 motos « fraîcheur », qui ravitaillent les coureurs en « eau claire » à partir du 50e kilomètre et jusqu’à 20 km de l’arrivée.

• 1 moto « ardoisière », qui donne via une ardoise, donc, l’écart entre une échappée et le peloton. Elle fait régulièrement la jonction entre les deux et informe les coureurs comme les spectateurs.
• 6 motos pour les commissaires sportifs, qui veillent aux bonnes conditions de course, surveillent les éventuels fraudeurs. Ils sont désignés par l’UCI (Union cycliste internationale) et la Fédération nationale.
• 30 motos pour la Garde Républicaine, dispersés à divers endroits de la course pour assurer la fluidité et la sécurité de la course. Leur présence sur le Tour remonte à 1953.
• 1 moto « Mavic », en fait un Yamaha TMax chargé de roues pour dépanner les coureurs en cas de crevaison.

Des coureurs plaident pour des scooters

Ce qui fait en tout 65 motos (et un scoot…) autour des coureurs, ce qui peut sembler trop. cette année a été notamment marquée par deux accidents graves impliquant des motos et des cyclistes. Et deux jours avant l’accrochage du Ventoux, plusieurs coureurs allemands publiaient une tribune dans le quotidien Bild pour demander le remplacement des motos suiveuses par des scooters, selon eux moins lourds et donc moins dangereux. L’Equipe relayait ainsi cette demande : « Tony Martin, Marcel Kittel et quelques autres coureurs allemands demandent ce mardi dans Bild à ce que les motos suiveuses soient remplacées par des scooters, plus légers. «Il y a une grande différence entre 300 kg vous tombant dessus et 150 kg», plaide le triple champion du Monde du contre-la-montre. Le 28 mai dernier, Stig Broeckx était percuté par une moto lors de la troisième étape du Tour de Belgique. Très gravement blessé, le coureur belge est toujours dans le coma. En mars, Antoine Demoitié, percuté par une moto après une chute lors de Gand-Wevelgem. Cette succession de drames avait déjà suscité la colère des coureurs professionnels qui appelaient alors à un renforcement de la sécurité pendant les courses. »

A ceci près que pour assurer les fonctions citées plus haut, il faut nécessairement un scooter de grosse cylindrée (que le partenaire Kawasaki ne possède pas dans sa gamme), et que de toute façon ces véhicules ne sont guère moins lourds que des motos : un Suzuki 650 Burgman en ordre de marche accuse plus de 275 kilos, un Tmax en fait plus de 220 kg. Pour la sécurité, les scooters sont en outre moins adaptés au transport d’un passager, un caméraman aura par exemple moins d’espace pour filmer à l’arrière d’un scooter que juché derrière une GTR 1400.