Moto Journal a interrogé trois ténors français de la glisse à moto : Serge Nuques, Lucas Mahias et Adrien Chareyre. Ces trois experts vous éclairent sur la glisse dans leur discipline respectives, à savoir, le supermotard, la vitesse et le rallye routier.
Le phénomène physique de la glisse en moto
Ici Ruben Xaus, en plein action
La glisse à moto se réalise sur la phase de freinage, lorsque, par une prise de levier appuyée, les masses sont transférées sur l’avant, ayant pour effet de délester l’arrière et de le faire glisser par l’action du frein moteur au rétrogradage d’un ou plusieurs rapports. Lors d’une glisse, la roue arrière n’est pas bloquée, simplement, elle ne tourne plus à la même vitesse que la roue avant et effleure le sol du fait du transfert de masse. Le frein arrière participe à entretenir la glisse une fois lancée, mais il n’est en aucun cas le déclencheur de la dérive. Nous distinguons ici la « glisse » de drift, soit la « glisse » à accélération, le dérapage, pratiquée notamment en stunt, où la roue arrière est totalement bloquée par le frein arrière, à la glisse au rétrogradage.
La glisse en supermotard
Interview d’Adrien Chareyre, multiple champion du monde de supermotard.
D’où vient la glisse ?
La glisse en supermotard tient son origine des années 90’, lorsque la discipline était encore trop marginale pour que les pneumatiques soient vraiment développés. Pour compenser la médiocrité du pneu avant, qui étaient généralement une montes pluie, on asseyait la moto sur l’arrière grâce à une glisse appuyée. Cela soulageait la contrainte et le poids sur l’avant et évitait de perde le grip ou de détruire le pneu.
C’était une mode, mais ce n’est pas vraiment efficace, on est revenu à un style plus coulé. C’est bien de savoir la pratiquer, pour apprendre à gérer la sensation de dérive inhérente aux fins de course, lorsque le pneu est très usé.
Aujourd’hui quelle est l’utilité en compétition ?
L’utilité est essentiellement sur les virages très serrés. Cela permet de mettre la moto en ligne et de réduire le rayon du virage. Mais c’est quelque chose qui se fait naturellement, c’est rarement le fruit d’une volonté. En supermotard, on est contraint de garder une fourche souple à grand débattement pour les parties en terre. Et la glisse permet de diminuer la compression de l’avant sur les gros freinages, et donc d’éviter de figer la direction.
Quelques glisses d’Adrien Chareyre.
La glisse en vitesse
Interview de Lucas Mahias, champion de France Supersport 600 et actuel leader du championnat mondial Supersport 600.
Quelle est l’utilité de la glisse en vitesse ?
La glisse est un plus pour moi, notamment lorsque je ne suis pas en confiance avec mon train avant. Cela me permet de le soulager en asseyant la moto sur l’arrière. Ça permet de préparer la moto au virage, de la mettre dans l’axe, sans solliciter l’avant.
Depuis combien de temps la glisse s’est-elle démocratisée en compétion ?
La glisse s’est toujours pratiquée en compétition, mais elle est dorénavant plus répandue pour la simple et bonne raison que les motos vont plus vite et que les contraintes mécaniques imposées en freinages sont plus grandes.
La glisse a-t-elle un impact sur les réglages de la moto, est-elle considérée comme un phénomène parasite du pilotage, ou au contraire, la cherche-t-on ?
Tout dépend de la configuration du virage. Dans les virages les plus serrés on la recherche en augmentant le frein moteur électronique. Dans les grandes courbes, on cherche à l’estomper, en la diminuant. Chaque pilote à sa manière d’appréhender la glisse, mais je pense que c’est impératif de la maîtriser pour rouler vite.
Lucas Mahias au guidon de sa R6 officielle de mondial 600
La glisse sur route
Interview de Serge Nuques, multiple champion de France des rallyes routiers.
Interview de Serge Nuques, multiple champion de France des rallyes routiers.Quelle est l’utilité de la glisse sur route ?
Sur route, notamment en rallye routier, on se sert de la glisse essentiellement dans les épingles. Cela permet de placer sa moto dans le bon axe et de la mettre droite plus tôt pour mettre louche plus tôt. Par contre sur route, du fait de la faible montée en température des pneumatiques et du mauvais revêtement, tu ne peux pas mettre autant d’angle que sur circuit.
Quelles sont les subtilités de la glisse ?
La glisse peut avoir une utilité et offrir un gain de temps en course, à la seule condition qu’elle soit parfaitement maîtrisée. Toute la subtilité est qu’il faut savoir se placer précisément au point de corde et dans la trajectoire tout en étant en dérive. Il faut glisser suffisamment loin pour aller jusqu’au point de corde, mais pas trop loin non plus pour ne pas le dépasser, et récupérer le grip pile poil au bon moment. Tout ça, en tâchant d’avoir la moto dans le bon axe. Le but, in fine, étant d’être dans la trajectoire en sortie de virage, au bon endroit, moto droite, dans l’axe, pour pouvoir mettre gaz plus tôt. C’est complexe et peu y parviennent systématiquement, sauf Marquez qui glisse même de l’avant pour aller se placer à la corde…
Serge Nuques vous a habitué à la glisse depuis quelques années à travers nos vidéos…
